Le quartier de Gracia, détaché de Barcelone jusqu’en 1897, s’est toujours senti en quelque sorte séparé du reste de la ville, en conservant fermement l'ambiance villageoise établie par les immigrants qui, venant de la campagne, s’y installaient à la recherche d’un travail au cours de la première moitié du dix-neuvième siècle. Avec eux sont arrivés une production exceptionnelle, des marchés abondants, le savoir-faire artisan et un très fort sens de l’identité, qui sont toujours restés des caractéristiques de ce quartier.Si vous aimez la mode « de chez nous », les articles ménagers artisanaux, le pain de seigle biologique, ou une bière brassée sur place – cherchez l’IPA houblonnée de La Vila by La Rovira - n’allez pas plus loin. Même les résidents actuels déclarent fièrement qu’ils ne sont pas de Barcelone, mais de Gracia, un des quartiers les plus passionnément catalans de la ville. Malgré cela, il a toujours accueilli les étrangers, et ces derniers temps il est devenu un creuset culturel, à la fois en termes des gens qui y vivent que de leur nourriture. Des restaurants éthiopiens, coréens et népalais coexistent heureusement avec des boui-bouis « delis » qui vendent des boulettes de viande et des haricots cuits, et une culture traditionnelle de l’apéritif où les masses de dîneurs se déversent sur les places ensoleillées pour s’enfiler des anchois salés avec un vermouth doux avant le déjeuner. Vous y trouverez des pubs vendant des bières artisanales, des fabriques d'omelettes mexicaines, des torréfacteurs culte et des visites gastronomiques anthropologiques, tout cela géré par des amateurs de cuisine post-moderne qui veulent donner un sens plus profond à ce qu’ils consomment et à comment ils le consomment.
Pas seulement un bar, mais tout un mouvement pour le « locavore » nocturne amateur de bière. Cara B est un endroit confortable avec un bar taillé dans d’anciennes cassettes, des accessoires en vinyle sur les robinets à bière, et une scène recouverte de moquette pour les groupes live qui y jouent du rock presque toutes les nuits. C’est un oiseau rare, dans une ville qui manque d’une scène solide de musique live locale, en particulier celle qui se combine avec une passion pour la vraie bière. Deux barriques de bière fabriquée localement s’alternent régulièrement, en garantissant qu’il y ait toujours quelque chose d’intéressant au robinet. Une vingtaine de bières en bouteille, des micro-producteurs catalans aux grands producteurs du reste de l'Europe, se disputent l'espace dans le réfrigérateur, et le plus remarquable est que Cara B s’est uni avec la brasserie voisine Guineu il y a trois ans, pour créer leur propre bière à édition limitée chaque année pour le Festival de Gracia en août. Elle a tellement de succès qu’on sait que des gens ont traversé les océans juste pour en boire une gorgée, mais si la chaleur de l'été et les foules du festival vous y amènent, entrez à n’importe quel moment et demandez à goûter à la préférée de la maison, La Calabera, originaire du nord de la Catalogne.
Il y a énormément de visites gastronomiques à Barcelone ces jours-ci, et peu de choses les distinguent les unes des autres. Il n’en sera pas ainsi si vous vous inscrivez chez Devour, qui a pris pour objectif de mélanger la nourriture, la culture et l'histoire tout en soutenant les entreprises à gestion familiale, dont beaucoup marchent depuis des générations. En guidant les visiteurs loin des choses les plus évidentes, ils vont vous présenter les gens, les producteurs et les lieux derrière les secrets culinaires les mieux gardés du quartier – en commençant par la Pastelería Ideal, qui a ouvert ses portes en 1919 et utilise encore son kit original pour faire cuire de superbes gâteaux et pâtisseries. Vous aurez la chance de rencontrer la famille Fabregas au Mercat de l'Abaceria Central, qui a fait de ses propres embutidos (saucisses fumées) une recette secrète ; goûtez à l’huile d’olive riche d’Oli Sal ; maîtrisez le parfait pa amb tomàquet (pain frotté à l'ail et à la tomate) chez L’Anxoveta ; prenez un tabouret au bar Jose, pour goûter à l’escalivada (salade de légumes grillés) et au romesco (noisettes et sauce au piment) ; faites un saut dans la légendaire pâtisserie syrienne Mostapha’s – il est venu ici en vacances il y a très longtemps et n’est plus jamais reparti – et enfin faites une pause au Cal Pep où, si vous avez de la chance, un vieux garçon de salle va vous chanter une chanson d'adieu populaire catalane.
Ici se trouve tout ce qui fait la grandeur de Gracia en version microcosme. Une équipe de cuisiniers promus en ville, arrivés d’un restaurant appelé La Cava de Tàrrega, du coin le plus retiré de la province de Lleida, et célébrés pour leur excellente cuisine régionale. Ils ont ouvert ce qui ressemble à guère plus qu’une cabane à l’ombre d’un petit bosquet de palmiers et de pins, donnant sur une pièce d’eau peu profonde où les enfants barbotent en été pendant que leurs parents se reposent à l’ombre. Puis ils vous attaquent insidieusement avec des plats des meilleurs produits de Catalogne, y compris le fromage crémeux Tou dels Til.lers, et des plats sans prétention mais authentiquement catalans, qui sont si bons et à un prix tellement raisonnable qu’ils vous laissent bouche bée.Imaginez, si vous voulez, une tranche de porc paradisiaque sous forme de joues de porc lentement braisées dans du vi ranci (vin muté) jusqu’à devenir fondantes, ou du confit de ventre de porc crépitant comme le verre le plus fin, les classiques patatas bravas enrobées d’une sauce aïoli aux coings et au chocolat sucrée à point, de l’huile d’olive et une pincée de sel sur un toast fin comme une toile d’araignée. Faites-nous confiance, c’est bon.
Il a fallu un certain temps pour que l'engouement du café frappe Barcelone, mais c’est maintenant la toute dernière obsession de la ville, avec des petits cafés indépendants comme Onna qui ouvrent la voie. Sur la « station d’infusion » - pas de comptoir banal ici - les Chemex, goutteurs V60, aéropress, et une cafetière à siphon sont présentés parmi les cafés crème, les cafés froids et les cafés doubles glacés. Le café froid, c’est certain, est la voie de l’avenir, de même que combiner les grains et les feuilles, donc nous nous attendons à ce que la gamme de thés spéciaux, qui comprend à présent Pu-her, Sencha et Chai, se développe de façon exponentielle. Bien que beaucoup prennent leur café au comptoir, et qu’il y ait au fond une pièce plutôt sombre qui redouble l’espace pour les étudiants attachés à leur ordinateur portable, le café principal est un espace plein de lumière et de soleil, avec quelques tables sur le trottoir, où l’on voit des traditionalistes qui boivent des cafés serrés et des cafés au lait démodés. Cela se peut, mais maintenant on peut spécifier le mélange en lisant une liste, fréquemment mise à jour, des grains qui sont torréfiés chaque jour sur place et infusés avec amour.